Résumé et table des matières


« Dig Deeper. Creusez. Profundius ». Qu’y a-t-il sous cette tour gothique, dressée près d’Edimbourg en 1797, où dans un roman de Mme de Charrière, on a gravé cette énigmatique inscription ? Bien enfouis sous ses fondations, l’architecte a secrètement caché… des livres, « monuments de la science et du génie », mais que grâce à ces mots inscrits il sera possible de retrouver, si par un malheur de l’histoire, son pays est un jour ravagé par des barbares.

La fiction du XVIIIe siècle est construite à la manière de cette tour, sur une infinité de livres plus ou moins cachés dans la profondeur de sa trame, et dont les scènes recueillies dans ces pages donnent un aperçu : livres qu’on apprend à lire – mais qui parfois résistent au déchiffrement –, livres qu’on lit intensément – mais par une lecture de plus en plus consciente des effets et techniques de l’art littéraire –, livres qui circulent dans une Romancie cartographiée avec soin par les romanciers eux-mêmes, livres enfin qu’on range dans une bibliothèque multi-générique, au moment même où le roman conquiert sa place parmi la Bibliothèque des Belles-Lettres et entre dans la configuration des genres.

Au siècle du triomphe du livre dans l’espace européen, le roman pratique avec surenchère et démesure la thématique livresque et lectorale, qui apparaît comme l’une des préoccupations majeures des auteurs du XVIIIe siècle : surenchère par le nombre des évocations, démesure par les enjeux et les ambitions investis dans ces représentations. Les romanciers étaient-ils conscients qu’à travers elle le roman allait créer les conditions de son succès futur et son hégémonie actuelle dans notre univers littéraire ? Sûrement pas, mais ils menaient consciemment, dans leur présent, une bataille pour donner, à coup de scènes de lecture, à travers leurs personnages lisant et leurs collections de livres, une place au roman dans la République des Lettres de leur siècle. C’est la bataille que raconte le présent ouvrage, à partir d’un vaste ensemble de romans de langue française du XVIIIe siècle, d’un choix de traductions de romans européens et d’une trentaine d’illustrations d’époque.



Table des matières

Préface 9

Introduction15

Apprendre à lire : la leçon de lecture

I. Parvenir37

1.Au début, Gil Blas19

2.Paysan, paysanne40

3.Parvenir au féminin46

4.Lecteur né50

II. Enseigner55

1.Autorité. Le roman d’éducation princière57

2.Altérité. Des quipos aux livres60

3.Affranchissement. Un sérail de livres64

4.Élève séduite69

5.Mères de famille74

III. Résister83

1.Le Huron et le flibustier83

2.D’Oviedo à Salamanque : les brigands de Lesage87

3.Analphabètes passifs89

Conclusion95

Lire dans les livres et dans le monde. Carte de la lecture en Romancie

I. L’expérience de lecture101

1) La lecture est-elle un plaisir ?104

2) Scènes du plaisir de lire106

3) Le décor de la lecture réussie : à la campagne110

4) Lire Les Lettres d’une Péruvienne en 1750117

II. Carte de la lecture en Romancie125

1) Lecteurs d’Europe : regards croisés et parallèles nationaux126

Lire au Sud, ou la dérision des livres

L’Angleterre : lecteurs méditatifs et expérimentaux

Livres et papillotes : les Français selon Caraccioli

Paris vu de Genève

Vers l’Est : à pays sans roman, fiction sans lecteurs

Lecteurs modestes, nouveaux lecteurs

2).Expansions vers l’Orient et l’Afrique151

De l’horrible danger de la lecture : l’Orient contre les livres

Livres de volupté, livres de sagesse

Le sage oriental

Lire dans un sopha

Croisades romanesques de Terrasson et Prévost

L’Afrique, depuis l’Égypte romancienne

La Turquie, en traduisant Télémaque

3.Insularité et utopie180

    Lire au frontispice : l’Histoire des Sévarambes de Veiras en        

    1716

                   Lire aux îles

Les lecteurs insulaires dans Cleveland

Robinson, ou quand le roman lit la Bible

    Fonctions du livre en utopie

Livre et lecture chez More (1516) et chez Campanella (1623)

Les livres d’utopie lus par le roman,
de Swift à Bricaire de la Dixmerie (1726-1759)

1.Parodie technologique de Swift : machines à lire et livres mécaniques

2.Le Palais de l’Opacité de Mouhy

3.Le livre d’airain de Bricaire de la Dixmerie ou les intermittences du livre

4.Métaphores du livre et roman220

Collectionner : Les bibliothèques du roman

I. Qu’est-ce qu’une bibliothèque romanesque ?237

1.La bibliothèque où on ne lit pas

     237

2.Bibliothèque “ imaginaire ”, “ idéale ”, “ romanesque ” : la collection de livres dans la critique littéraire

    242

II. Romans à bibliothèques253

1.Avec ou sans ?

    254

Marivaux et le théâtre dans la bibliothèque

Crébillon ou la bibliothèque réticente

Continuité de la fiction noble au féminin

L’anti-roman sans bibliothèque

2.Bibliothèque unique261

3.Bibliothèques en séries263

    Séries internes:

Dualité

Pluralité

    Séries externes:

Saint-Victor entre 1721 et 1728

La Bibliothèque Royale dans le roman, de 1737 à 1771

III. L’espace de la bibliothèque dans les textes et les illustrations                                                 

        283

1.Où est-elle ? Le décor des bibliothèques romanesques

    285

2.Bibliothèques illustrées

   294

Pathos : Cleveland et la bibliothèque inquiète

Éros : Paméla, Clarisse… les femmes et la bibliothèque

Conclusion : Rousseau, de la bibliothèque à la nature gravée

IV. l’esprit de la collection321

1.Avis pour dresser une bibliothèque romanesque323

L’exercice du choix

Arbitrages romanesques

2) La place des romans330

L’éclipse du début du siècle

L’idée d’un catalogue : la ‘Bibliothèque des romans’
de Lenglet-Dufresnoy en 1734

L’idée de voisinage : d’Argens et ‘Le Solitaire Philosophe’ en 1736

Epilogue 339

Bibliographie 347

    Corpus des romans et contes347

Autres textes avant 1800358

Textes critiques361

Index373

Liste des figures379






 

Livre et lecture dans les romans français du XVIIIe siècle

Paris, Presses Universitaires de France, 2002, 383 p., 30 planches, avec une préface de Michel Delon



Comptes rendus



Eighteenth century fiction

18, n°.1 (Fall 2005), pp.127-131



Bulletin des bibliothèques de France

2002, t.47, n°5



Romanische Forschungen

116. Band, Heft 3 (2004), pp. 404-407



Nouvelles du livre ancien

n°111, hiver 2003, p. 17



Bibliothèque publique centrale pour la région de Bruxelles-Capitale,

              n°7, Sept. 2003, p. 16